Aujourd'hui, j'ai envie de te partager une histoire qui m'est arrivé hier. Une histoire dans laquelle j'ai enfin osé libérer ma parole, chose que je n'avais pas faite pendant ces longues années, notamment lorsque j'ai vécu du harcèlement scolaire.
Les noms des personnes et lieux ont été modifiés afin de conserver l'anonymat des personnes concernées. Ce qui importe selon moi est ce qui a été dit.
Ainsi donc, hier...
Hier, je me sentais particulièrement fatiguée. J'avais fait une grosse insomnie la veille, réduisant mon sommeil à à peine 3 heures. Dans ces moments-là, je sais que j'ai plus de mal à gérer les symptômes de mon trouble de la personnalité borderline. Je peux me sentir beaucoup plus facilement irritée, j'ai des gros problèmes de concentration et je dissocie fortement. Auparavant, je ressentais également beaucoup d'angoisse. En bref, les relations interpersonnelles me sont difficiles à gérer car mes besoins ne sont pas toujours pris en compte.
Hier donc, malgré la fatigue, je me devais de participer à un évènement. Ce n'était pas un choix, mais bien une obligation. Le calme était difficile à trouver, et j'avais hâte de rentrer chez moi. Où que j'allais, il y avait du monde, je ne me sentais pas à ma place et épuisée, je me trouvais très fortement déconcentrée par tous ses bruits et mouvements.
Je pris le temps d'aller aux toilettes, afin de respirer un bon coup, en pratiquant de la cohérence cardiaque. Alors que j'étais toujours sur la cuvette des toilettes, cachée du reste du monde, deux connaissances, Alice et Marie, entrèrent dans les toilettes. Elles ne savaient donc pas que j'étais là, mais moi je les entendais bien. Je me suis dit qu'une fois de plus, je ne pouvais vraiment être nulle part en paix, et je m'apprêtais à sortir des toilettes pour trouver un nouvel endroit apaisant.
Soudain, je compris que ces deux connaissances parlaient dans mon dos
Très rapidement, je compris que ces deux personnes parlaient de moi dans mon dos. Il faut savoir que quelques jours plus tôt, nous étions allées à un évènement en commun avec Alice. Alors que je cherchais à me garer, la voie devant moi était bloquée, je décidai de passer par ce que j'appelle être un "raccourci" qui n'était en fait pas autorisé aux voitures, c'était une forme de trottoir.
Je présume qu'Alice m'a vu puisqu'elle dit à Marie :
« Oh faut que je te raconte ! L'autre jour, j'étais à un évènement, et j'ai vu Fiona passer sur le trottoir en voiture. Non mais franchement, c'était dangereux. Elle pouvait pas s'empêcher d'attendre. Vraiment, n'importe quoi, celle-là, hyper impatiente ! »
Ce à quoi Marie répondit :
« Non mais elle, elle ne pense vraiment toujours qu'à elle. »
Ce qu'Alice dit n'était selon moi pas ok. Je fais partie des personnes qui détestent parler dans le dos des gens. Si, en effet, j'ai un problème avec quelqu'un, je viens directement lui en parler. Plutôt que de faire du commérage dans son dos. Mais soit.
Je fus plutôt complétement abasourdie par la phrase prononcée par Marie. En effet, cette phrase est selon moi une attaque personnelle. De ce que je comprends, elle suppose que je suis quelqu'un d'égoïste, ce qui est justement ma plus grosse crainte.
Au moment où Marie prononça ses mots, des dizaines de flashbacks revinrent dans ma mémoire :
👉 À cette fois-ci, lorsque j'avais 14 ans : j'étais à un défilé de mode avec des supposées "amies" et j'étais justement dans les toilettes. Je les entendis dire de moi que j'étais collante et chiante. Je n'ai pas su réagir, j'ai attendu qu'elles finissent de parler de moi comme des vipères et partent pour sortir des WC. Je me suis sentie humiliée, trahie et rejetée.
👉 À cette autre fois, lorsque j'avais 16 ans : à cette époque, je vivais au Brésil et je me suis rendue compte que je plaisais à beaucoup de garçons. Par non confiance en moi et par envie de plaire, j'embrassais un garçon différent à chaque soirée. Je n'avais pas conscience de pourquoi j'adoptais ces comportements. Un jour, les garçons de ma classe prirent une feuille de papier, écrivirent le nom de tous les personnes que j'avais soi disant embrassé et l'accrochèrent devant notre salle. Il était écrit en portugais "Si toi aussi, tu as envie, tiens, prends le numéro !" avec mon réel numéro inscrit - comme si j'étais une pute. Je n'ai rien su faire, une amie me prit par la main et m'amena aux toilettes et me rappela de m'en foutre. J'aurais du porter plainte auprès de note proviseur pour harcèlement moral.
👉 À toutes ces fois où je n'ai pas osé répondre à quelqu'un, pas par peur de sa réaction. Mais car à chaque fois, je ressentais une colère effroyable qui se logeait en moi et que je savais que si j'osais parler, c'était tellement fort que ça allait automatiquement se transformer en larmes. Et les larmes, malheureusement, ce n'est pas encore bien accepté dans la société. Lorsque je pleurais, je me sentais accusée d'être quelqu'un de faible.
👉 Des exemples comme ça, j'en ai des centaines, où je me suis sentie rejetée et humiliée. Sans jamais comprendre pourquoi on rigole de moi, pourquoi je me sens tant en décalage, pourquoi je n'ai pas juste un cerveau qui fonctionne comme celui de Monsieur et Madame Tout Le Monde et une réactivité émotionnelle un peu moins exacerbée.
Tous ces flashbacks revinrent donc dans ma tête en une fraction de seconde et une rage terrifiante vint se loger dans mon corps non loin de mon plexus solaire.
Alors, je pris mon courage à deux mains
Je m'étais toujours dit que si un jour, j'entendais des personnes parler dans mon dos, j'oserais enfin libérer ma voix.
On rappelle qu'hier, j'étais extrêmement fatiguée et j'avais beaucoup de mal à gérer mes symptômes issus du trouble de la personnalité borderline. Le but n'est pas de justifier mes actes mais plutôt de comprendre pourquoi j'ai agi de la sorte.
Ainsi, je me levai, je sortis des toilettes et je gueulai :
« Oh ! Je vous entends hein vous deux ! »
J'étais tellement activée, j'en tremblais. Les souvenirs sont flous mais il me semble qu'Alice, celle qui avait parlé de l'incident en voiture, tenta directement de se justifier. Je la coupai très rapidement en criant :
« Non mais c'est pas ça le problème. Le problème, c'est que vous parlez dans mon dos. Quel intérêt à faire cela ? Et surtout le problème, c'est ce que tu dis Marie. Comment oses-tu dire que je ne pense qu'à moi ? Tu n'as aucune idée de ce que je fais sur le côté. Du nombre d'heures que je passe à aider des milliers de personnes à aller vers un mieux être alors qu'iels souffrent de troubles mentaux. C'est inacceptable comme comportement ! »
Je ne suis pas fière d'avoir crié. J'aurais aimé rester calmer. Bien sûr. Mais ici, c'était impossible pour moi. Ce n'était pas juste à cause de cette histoire là que je me sentais en colère. C'était l'accumulation de toutes ces fois où j'ai fermé ma gueule. C'était ma manière à moi de prendre enfin ma revanche. De prendre enfin la parole !
Mais pas que...
Changement d'attitude de certain.e.s depuis l'annonce du diagnostic du trouble mental
Depuis l'annonce du diagnostic de mon trouble en avril 2023, j'ai bien senti le regard de beaucoup changer sur moi.
Alors qu'avec certain.e.s, cela nous a fortement rapproché car iels comprennent désormais beaucoup mieux mes réactions, d'autres sont moins clément.e.s.
Ces autres ne comprennent pas que j'ai vécu pendant des années des angoisses sociales à ne pas partager mes besoins spécifiques et pense que j'utilise mon trouble comme excuse pour expliquer mes comportements.
Alice et Marie font selon moi parties de ces personnes. Tout du moins, c'est mon ressenti et c'est également ce que j'ai entendu comme rumeur à mon égard. Nous n'avons jamais été amies (plutôt amies d'amies) mais elles n'ont jamais cherché à comprendre mes ressentis depuis l'annonce du diagnostic bien que nous nous voyons souvent. Je me suis souvent sentie honteuse et jugée en leur présence. Comme si, quoi que je dise, cela n'allait pas, cela n'était pas accepté. Je ressentais donc une profonde injustice et un sentiment marqué de d'exclusion sociale.
La suite de l'histoire
Après que j'eusse dit ces derniers mots, Marie se rapprocha de moi de façon calme, ce qui me mis très mal à l'aise. Plutôt que de s'excuser, elle chercha à me faire comprendre pourquoi elle pensait de moi que j'étais quelqu'un d'égoïste.
Je n'en revenais pas. Comment deux personnes prises sur le fait pouvaient encore continuer à se justifier plutôt que de s'excuser ?!
La conversation était tellement activante pour moi, je tremblais de tout mon être, je n'arrivais plus à respirer. Tous ces flashbacks, ces traumas irrésolus refaisaient surface. La douleur mentale était tellement insupportable. Finalement, je coupai Marie et dis :
« Je ne suis pas capable d'avoir cette conversation maintenant. Je vais partir ! »
J'expliquai juste après la situation à une amie. Et je quittai rapidement l'évènement. Il me fallut de nombreuses heures pour redescendre de ses émotions vécues intenses, des heures durant lesquelles je ne fis que pleurer. Pas tant pour ce qu'iels pouvaient penser de moi, cela je m'en fiche. Mais plutôt pour la cruauté face à laquelle je me suis sentie.
Marie m'envoya un message pour me dire qu'elle s'excusait et qu'elle n'étais pas fière d'elle. Pour le moment, je l'ai simplement remerciée pour ses excuses.
Alice ne s'excusa pas. Elle m'envoya un message pour justifier son comportement et invalida mes émotions en disant je cite "il ne faut pas que tu exploses si quelqu'un parle sur toi". Elle ne comprend pas le principe de la réactivité émotionnelle exacerbée et qu'on ne contrôle pas ses émotions.
La vie fait que je vais devoir encore revoir ces personnes malheureusement. Mais ce qui est sur, c'est que plus jamais je fermerai ma gueule. Je ne suis pas fière d'avoir explosé. Et en même temps, je sens qu'en ayant libéré ma voix, j'ai libéré une part de trauma qui était encore coincée dans mon corps, et plus précisément dans ma gorge.
J'en dégage une force et beaucoup de persévérance
Je me sens certes très fortement touchée par ce genre de réactions. Mais une fois la tristesse et les pleurs passés, ce type d'expérience me donne énormément de force, de courage et de détermination.
Une persévérance extrêmement puissante qui me rappelle à quel point la santé et les troubles mentaux sont encore très tabous dans notre société.
Alors je ne m'arrêterai pas là. Je continuerai ma quête jusqu'à mon dernier souffle pour qu'on puisse enfin parler de tout ça sans tabou !
Tout ça, c'est quoi me demanderas-tu ?
Tout ça, c'est :
👉 Pouvoir parler de ce qui ne va réellement pas lorsqu'on me demande si "Ca va ?" ;
👉 Pouvoir partager ses détresses, angoisses et troubles mentaux sans honte ;
👉 Pouvoir pleurer librement de joie comme de tristesse ou de désespoir ;
👉 Pouvoir partager ses émotions, car les émotions sont là pour être accueillies et non combattues ;
👉 Qu'on arrête d'utiliser des expressions comme "Il est schizo celui-là" ou "T'as des comportements bipolaires là" sans savoir même ce que sont ces troubles à proprement parler ;
👉 Pouvoir avoir librement des conversations profondes sur les raisons de notre existence ;
👉 Partager ses besoins spécifiques et qu'ils soient acceptés ;
👉 Arrêter de juger les gens pour leurs différences...
Et j'en passe !
Alors si tu as du mal à partager tes besoins et fixer tes limites, sache que tu n'es pas seul.e à vivre des difficultés. J'espère que cet authentique témoignage saura te donner du courage, de la force et de l'espoir pour la venue de jours meilleurs ❤️
Merci à toute la communauté @BorderAttitude. Cette force de caractère que j'ai désormais, cette détermination à libérer ma voix, je la leur dois car je sais que beaucoup ont encore aujourd'hui du mal à s'exprimer. En osant prendre ma place, je le fais pour nous toutes et tous, pas seulement pour moi-même 🤍
Je t'embrasse,
Fio
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